Le Pérou est-il voué à l’extractivisme ?

 

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Le Pérou est-il voué à l’extractivisme ?
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D’une vue purement macro-économique, on peut dire que le Pérou commence petit à petit à sortir de la pauvreté étant donné que le taux de pauvreté national est passé de 58,7% en 2004 à seulement 23,9% en 2013. On ressent donc une nette diminution de cet indicateur et en parallèle, on remarque une croissance de 6% de son économie global surtout grâce à l’exportation de matières premières dont les 60 % sont issues des ressources extractives. Avec ces indicateurs, on peut donc dire que le pays est sur la bonne voie, mais ces chiffres reflètent-ils vraiment la réalité ?

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La pauvreté plus présente que jamais dans certaines régions

Sur le plan national, la pauvreté semble disparaître petit à petit, mais si on tient compte de chaque région, la pauvreté est plus présente qu’auparavant. Dans la région de Cajamarca, par exemple, la population y est la plus pauvre du Pérou alors que la province est la plus riche en minerais du pays. De plus, l’entreprise Yanacocha y est implantée depuis une vingtaine d’année et y détient la plus grande mine d’or à ciel ouvert de tout l’Amérique du Sud. Malgré cette entreprise florissante, les populations n’en retirent aucun avantage, mais souffrent même des inconvénients que pose la mine d’or notamment en ce qui concerne l’accès à l’eau potable. En effet, la mine a un grand besoin en eau et monopolise toute l’eau potable qui devrait revenir aux habitants locaux. Ce déficit en eau se ressent de plus en plus surtout depuis que le projet Conga de Yanacocha a été soulevé en 2012. Ce projet est notamment soutenu par le gouvernement national ce qui ne laisse pas beaucoup de solutions possibles aux habitants locaux à qui l’entreprise a pourtant promis emplois et prospérité à ses débuts.

Les populations s’opposent aux nouveaux projets miniers

Face aux désillusions, la population a fini par réagir et s’oppose fermement à tout nouveau projet minier sur le territoire alors que le gouvernement souhaite favoriser encore plus cette activité sur laquelle repose actuellement l’économie péruvienne. En effet, le Pérou a toujours été connu comme étant un pays minier et c’est l’image que le gouvernement souhaite garder même au détriment de l’environnement et de sa population.

Le Pérou, une économie qui repose sur l’extractivisme

L’économie du Pérou repose majoritairement sur l’exportation de matières premières dont les 60% représentent des ressources extractives. Cela démontre que le pays dépend fortement du secteur minier, mais s’en retrouve également vulnérable, car il n’est pas à l’abri des différentes fluctuations du marché. En cas de crise financière, le Pérou risque par exemple d’être déstabilisé comme ce fut notamment le cas durant la crise financière et économique de 2008. Durant cette période, les cours des minerais et du pétrole ont rapidement dégringolés et les échanges mondiaux ont considérablement baissés. Heureusement que les pays émergents ont maintenu une demande croissante et que les investissements publics se sont multipliés à cette époque, cas sans cela, le Pérou aurait accusé une récession globale. Le problème c’est que malgré ce danger « qui a failli se produire », le gouvernement péruvien reste borné et ne pense toujours pas à une diversification de ses activités économiques ce qui lui donne une économie fragile et à la merci des caprices du marché international.

L’extractivisme passe avant tout

Au Pérou, l’extractivisme passe avant tout, même la population et l’environnement. Cette tendance se fait ressentir au pays dès les années 90 durant lesquelles le gouvernement Fujimori a grandement privilégié ce secteur sans tenir compte de l’environnement et de la population. Depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui, cette tendance est restée et le gouvernement fait tout pour que le secteur minier fonctionne rapidement. En ce sens, il accorde rapidement et facilement des autorisations d’exploitations à toutes les concessions minières et ce, quelle que soit la zone à exploiter. Il faut donc fi de l’avenir environnemental du pays et ne pense pas au bien de la population. Il impose également des impôts sur les entreprises dérisoires. Toute cette complaisance, voire soutien permet aux entreprises minières de s’adonner à un modèle extractiviste intensif sans que personne n’ait leur mot à dire dans leurs agissements.
D’ailleurs, jusqu’ici, les populations urbaines n’ont encore élevé la voix contre cette économie minière étant donné qu’elles bénéficient des retombées de ces activités ce qui n’est pas le cas des populations rurales qui se retrouvent appauvries et parfois même délogées par ces entreprises. Ainsi, si pour les uns (hauts placés et population urbaine), l’extractivisme est bénéfique, pour les autres (populations rurales), c’est un poison qu’il faudrait freiner pour le bien du pays en général.

La population rurale élève la voix

Depuis quelques années, les populations rurales commencent à élever la voix ce qui rend complexe l’implantation des projets miniers prévus par le gouvernement. Grâce à ces revendications, d’autres sphères de la société commencent à ouvrir les yeux et à se poser des questions sur le secteur notamment les dirigeants régionaux et locaux qui souhaitent avoir le dernier mot concernant les projets miniers concernant leur territoire.
Le gouvernement régional de la province de Cajamarca a par exemple ouvert le débat sur l’identité réelle de ceux qui ont donné et devraient donner leur approbation aux mégas projets miniers qu’est le Conga de Yanacocha. Avec l’aide du pouvoir local, le pouvoir régional entend donc utiliser son pouvoir limiter pour s’opposer à la réalisation de ce projet et pour ce faire, ils ont mis en place des projets réellement durables et bénéfiques pour la région.
Cette prise de conscience est a aussi été entraînée par les impacts socio-environnementaux et les effets du réchauffement climatique qui se font aujourd’hui ressentir à travers le monde.

Les projets durables mis en place à Cajamarca

Différents projets ont été mis en place pour freiner le secteur minier dans la région et surtout freiner la dégradation flagrante de l’environnement que leurs activités ont entraîné depuis plusieurs années. Parmi ces projets, on cite le processus de zonification écologique et économique ou ZEE. Ce projet vise à orienter la prise de décisions concernant les ressources naturelles de la région selon les besoins des populations, les opportunités de développement et le respect de l’environnement. Il s’agit d’un projet neutre qui souhaite que tous les niveaux sociaux y participent afin d’instaurer la transparence des activités menées. Lorsque les gouvernements régionaux et locaux ont adopté ce projet, le Ministère de l’environnement (MINAM) du Pérou l’a approuvé en 2012, mais pas aussi facilement qu’on l’aurait souhaité. En effet, pour que le projet puisse être poursuivi de manière légale, le MINAM exige aux responsables de mener sept (7) études supplémentaires. Soulignons que parmi les décideurs de cette condition, on cite des représentants des entreprises minières donc il est clair que ces derniers souhaitent freiner le processus autant que possible.
Face à ce pouvoir qui ne semble pas être faveur de la ZEE, d’autres projets ont été menés toujours dans le but d’améliorer les conditions de vie de la population locale. On cite ainsi le Plan de Développement Régional Concerté qui a été mis en place en 2010. Ce plan propose différents ateliers aux populations locales et met l’environnement au centre de toutes les actions. De nombreux acteurs y ont participé et le projet a abouti à la mise en place de Commissions au niveau régional (CAR) et municipal (CAM). Le but étant de créer une commission municipale dans chaque province et de renforcer la gestion environnementale au sein de chaque région.
Au niveau régional, de nombreux groupes techniques ont donc vu le jour parmi lesquels on retrouve le changement climatique, la diversité biologique, les ressources hydriques, le TMD (transport des matières dangereuses) et le groupe de communication et d’éducation environnementale. Le Plan de Développement Régional Concerté a ainsi ouvert les yeux des populations locales qui sont désormais conscientes d’avoir des droits sur le territoire et d’avoir d’autres options économiques à part l’exploitation minière.
Quant à la population urbaine de Lima, elle ne veut pas entendre parler de ces projets étant donné qu’elle ignore ce qui se passe réellement au-delà de leurs frontières. Tout ce qu’elle voit c’est la prospérité de la capitale et pour lui ouvrir les yeux, il faudrait instaurer une communication impartiale pour que tous les Péruviens se battent ensemble pour l’avenir de leur pays.

Le Pérou : sortir de l’extractivisme est-elle réellement possible ?

Suite à ces différents projets des gouvernements régionaux, quelques changements se mettent petit à petit en place.
Parmi ces changements, on cite l’extension du pouvoir des gouvernements régionaux qui ont désormais le dernier mot en ce qui concerne les petits projets et le secteur artisanal dans leur région. Toutefois, ils n’ont toujours pas les pleins pouvoirs de décision en ce qui concerne les moyens et grands projets miniers, un pouvoir que le gouvernement a tenu à garder pour lui. Pour éviter que le gouvernement n’abuse de ce droit, les gouvernements régionaux et locaux utilisent la loi pour organiser des consultations populaires et des processus d’aménagement territorial pour influencer les décisions. Ils exigent également à ce que soit mise en place une meilleure assignation des rôles publics.
Aussi, les associations de la société civile prônent pour que l’exploitation minière tienne avant tout compte des besoins nationaux et régionaux. La sortie de l’extractivisme semble donc en bonne voie au Pérou et la suprématie du gouvernement est aussi remise en question.
En effet, certains gouvernements régionaux et locaux exigent une décentralisation du pouvoir à tous les niveaux que ce soit économique, politique ou social et tout cela, pour plusieurs raisons à savoir l’amélioration de la gestion publique, l’extension de la démocratie, la mise en place d’un développement durable et intègre ainsi que la promotion de l’équité.
Le problème qui reste actuellement est le devenir de l’économie péruvienne qui s’est toujours basée sur l’extraction minière durant la transition vers les autres activités pouvant lui apporter des ressources financières. Différentes structures devront alors être mises en place comme les réseaux qui pourraient permettre de diffuser sur tout le territoire national les changements ressentis.

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