La Russie a redécouvert l’Amérique latine : bilan de la tournée du président Medvedev
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La Russie a redécouvert l’Amérique latine et son actualité : bilan de la tournée du président MedvedevPar Christian GALLOY, directeur de LatinReporters
diplomatie russe. La presse moscovite parlait pour sa part de « seconde découverte de l’Amérique ». »La Russie, la Chine et le Venezuela sont actuellement les trois piliers
les plus importants de nos échanges commerciaux, que le puissant empire [les Etats-Unis; ndlr] n’a pas pu bloquer » écrivait dans les médias officiels, après avoir reçu Dmitri Medvedev, le chroniqueur
de luxe qu’est devenu Fidel Castro. L’historique Lider Maximo de la révolution, malade et retiré de la scène publique depuis juillet 2006, a cédé en février dernier la présidence du pays
à son frère, le général Raul Castro.Raul et Dmitri ont visité la première cathédrale orthodoxe russe qui vient d’être érigée à Cuba. Ils ont aussi fleuri le mausolée du « Soldat internationaliste soviétique ».
Officiellement, aucun nouvel accord n’a été signé par les deux présidents. Il n’en était nul besoin. L’intensité des relations russo-cubaines se développe déjà à un niveau sans précédent depuis l’éclatement de l’Union soviétique, dont Fidel Castro fut le principal allié en Amérique latine. L’exploration pétrolière, l’exploitation du nickel, premier produit cubain d’exportation, ainsi que la modernisation d’équipements civils et militaires sont au centre de la nouvelle coopération. Moscou a annoncé une ligne de crédit de 335 millions de dollars pour l’achat d’équipements russes par La Havane.
Chavez invite la Russie à rejoindre l’ALBADmitri Medvedev était arrivé à Cuba en provenance du Venezuela. Sa visite au pays de la révolution dite bolivarienne du président Hugo Chavez a coïncidé avec la présence au port vénézuélien de La Guaira de quatre navires militaires russes, dont l’emblématique croiseur à propulsion nucléaire « Pierre le Grand ». Ils doivent effectuer dès ce 1er décembre avec la marine et l’aviation vénézuéliennes des manoeuvres sans précédent.
C’est la première fois depuis la fin de la Guerre froide qu’une flottille de guerre russe sillonne les eaux des Caraïbes. Ce défi symbolique aux Etats-Unis dans ce qui fut leur zone exclusive d’influence est assimilé par les analystes à une réaction irritée de Moscou aux signes les plus récents de la prétention de Washington à l’hégémonie mondiale, à savoir l’installation prévue du bouclier antimissile américain en Europe centrale, l’adhésion éventuelle (désormais ralentie par Paris et Berlin) de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN, ainsi que la présence en mer Noire de navires de guerre américains qui ravitaillèrent la Géorgie lors du conflit l’opposant l’été dernier à la Russie en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
A Caracas, Dmitri Medvedev et Hugo Chavez, qui invoque une « alliance stratégique », ont élargi leur coopération bilatérale par la signature de sept accords. Ils portent notamment sur l’exploitation et le raffinage du pétrole vénézuélien, la création avant la fin de l’année d’une banque binationale, ainsi que la coopération nucléaire à des fins en principe civiles et pacifiques. Il s’agit officiellement de répondre « aux besoins domestiques d’énergie » et de contribuer « à la diversification des sources d’énergie » du Venezuela. Actuellement, en Amérique latine, seuls le Brésil et l’Argentine disposent de réacteurs nucléaires.
Le groupe pétrolier public vénézuélien PDVSA et un consortium des compagnies russes Gazprom, Lukoil, TNK-BP et Rosneft ont signé un accord de prospection et d’exploitation pétrolière dans la Ceinture de l’Orénoque, espérant y produire à terme un million de barils par jour. [Le Venezuela, 5e exportateur mondial de pétrole brut, extrait actuellement entre 2,5 et 3 millions de barils quotidiens; ndlr].
Le président russe a invité son homologue vénézuélien à se rendre à nouveau à Moscou en 2009. Entre 2005 et 2007, Hugo Chavez y a déjà signé douze contrats d’armement d’un montant de 4,4 milliards de dollars pour l’achat notamment de 24 avions de chasse Soukhoï, 50 hélicoptères de combat et 100.000 fusils d’assaut Kalachnikov. Le Venezuela est en devenu le premier client de l’industrie militaire russe en Amérique latine. Selon Dmitri Medvedev, ces livraisons d’armes et d’une manière plus générale le retour de Moscou dans la région contribueraient à renforcer la « multipolarité » dans le monde.
A noter qu’en septembre la Russie octroyait au Venezuela un prêt d’un milliard de dollars pour l’acquisition de matériel militaire. L’effondrement du prix du brut dû à la crise financière et économique mondiale ne permettrait-il plus à Hugo Chavez de payer comptant? Cette chute des cours du brut pousse par ailleurs la Russie, 2e producteur de la planète, à se rapprocher de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP; le Venezuela en est membre) pour définir une politique de soutien des prix.
Autre cliché significatif de la première visite d’un chef d’Etat russe au Venezuela: le sommet informel -un dîner privé- qui a réuni à Caracas Dmitri Medvedev et la plupart des présidents des pays membres de l’ALBA (Alternative bolivarienne pour les Amériques). Autour de Hugo Chavez y assistaient ses homologues Evo Morales (Bolivie), Daniel Ortega (Nicaragua), Manuel Zelaya (Honduras), ainsi que le Premier ministre de la Dominique, un vice-président du Conseil des ministres cubain, et, comme observateur, le président équatorien Rafael Correa.
L’ALBA fut lancée en décembre 2004 par le Venezuela et Cuba afin de contrer le projet continental de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou ALCA) promu en vain par Washington, qui se contente aujourd’hui d’accords commerciaux régionaux ou bilatéraux avec les pays d’Amérique latine. Les présidents des pays de l’ALBA ont décidé le 26 novembre de préparer la création d’une zone monétaire commune, proposée initialement par Rafael Correa, pour répondre à l’actuelle crise mondiale.
échanges commerciaux bilatéraux surpassaient 7,3 milliards de dollars pour la seule année 2008. Comme avec le Venezuela, c’est une « association stratégique » que la Russie, aux dires de son président, développe avec le géant sud-américain.
en construction » au Brésil et obtenir la coopération russe dans le développement de son réseau ferroviaire.Un accord conclu entre l’Agence spatiale brésilienne et l’agence fédérale russe Roscosmos établit un mécanisme de coopération pour l’usage et le développement du système russe de navigation globale par satellite, appelé Glonass. L’achat de 12 hélicoptères russes d’attaque MI-35M a par ailleurs été ratifié. Dans un mémorandum signé par les deux présidents, ceux-ci affirment que ce contrat ouvre la voie « à une coopération technico-militaire russo-brésilienne dans d’autres projets d’intérêt réciproque ». A cet égard, il convient peut-être de rappeler que la Russie et le Brésil sont de grands constructeurs aéronautiques.Le président russe s’est rendu au siège de la compagnie brésilienne du pétrole, Petrobras. La compagnie publique russe Gazprom, dont Medvedev est l’un des ex-présidents, a annoncé son intention d’ouvrir une représentation à Rio et de négocier une association avec Petrobras pour la prospection et l’exploitation au Brésil de gisements de gaz et de pétrole. Petrobras dit vouloir « intensifier les relations avec Gazprom au Brésil et dans des pays tiers ».
Conclusion
Les deux chefs d’Etat ont décidé de construire au Pérou un centre de maintenance et de réparation d’hélicoptères de fabrication russe. Ce centre sera le premier de ce type en Amérique
latine. Le Pérou espère y vendre ses services à d’autres pays de la région dont la défense repose aussi partiellement sur des appareils et équipements russes.En conclusion, par sa tournée d’une semaine dans une région longtemps considérée comme « l’arrière-cour » des Etats-Unis, le président Medvedev a réussi à symboliser tant l’ambition
de la Russie de demeurer un acteur planétaire que l’ampleur du recul diplomatique -et probablement aussi économique- des Etats-Unis en Amérique latine. Washington s’est désintéressée du sous-continent depuis les attentats islamistes du 11 septembre 2001. En succédant le 20 janvier 2009 à George W. Bush, le président américain élu Barack Obama, qui doit beaucoup à ses électeurs d’origine latino-américaine, devra repositionner les intérêts de Washington au sud du Rio Grande.
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